Jalouse June 1997

The Fifth Wonder of the World
par Isabelle Lefort

Milla n'est jamais là où on l'attend. On la croit à Cannes, au pire à New York, mais elle est déjà à Los Angeles. Elle enchaîne les rendez-vous avec les producteurs. Aujourd'hui, tout le monde veut travailler avec elle. Des metteurs en scène aux photographes. Mais, Milla sait ce qu'elle veut et ce qu'elle ne veut pas. Exigeante, perfectionniste. Elle veut s'investir dans des projets auxquels elle croît. Elle ne veut ressembler à personne. Avant de la découvrir pour jouer le rôle de Leeloo, la femme parfaite, le Cinquième Elément, Luc Besson avait vu deux mille personnes. De mémoire, ce casting restera sans doute comme le plus éprouvant de l'histoire du cinéma...

A l'issue de ces mois de recherche, Luc Besson épuisé, disait que l'actrice qui obtiendrait le rôle serait certainement la plus belle fille du XXe siècle.

Une fois dans l'aventure, Milla s'est préparée au tournage pendant un an et demi. Elle s'est engagée dans le film totalement, intégralement.

Luc Besson a toujours été fasciné par les femmes aquatiques. Milla a un corps de sirène des temps modernes. Sa beauté ne se juge pas à sa silhouette mais par ses formes, ses aspérités. Un pur concentré de poésie. On la pense bronzée, mais tout à coup le rose de ses joues évoque un Botticelli. Lorsqu'elle est apparue sur les marches du Palais, (dés)habillée par John Galliano en robe de tulle de soie brodée... Jeanne Moreau a dit d'elle qu'elle avait l'épaisseur d'une femme qui est tout sauf éphémère...

Milla a un sourire par saccades. Elle rit, elle boude... fuyante, presque galactique. Elle échappe à tous les critères. Généreuse aussi. Lorsqu'elle vous accorde du temps, comme elle l'a fait pour nous, on est presque gêné qu'elle se livre aussi facilement, alors que tout un chacun nous prédisait qu'elle ne nous accorderait pas plus de cinq minutes. Non, vraiment, Milla est surprenante.

Libre, totalement libre. Excessive. Ses frasques avec sa bande, Mario Sorenti, Kate Moss et Johnny Depp font le bonheur du milieu de la mode. Et, lorsqu'à la soirée cannoise de la Villa Gaumont, elle se tient calme, tout le monde en reste étonné, presque sidéré.

Chris Bruner, son agent chez Next, ami et confident, la surnomme "my little Barbie". Lorsqu'il l'a rencontrée, elle avait 15 ans, lui 26. " C'était dans un studio de musique où nous enregistrions un album. A l'époque, les producteurs voulaient faire d'elle une pop star. La musique est pour elle comme une seconde nature. Sa mère, une actrice russe, l'a élevée dans les arts. Elle chante, elle joue de la guitare, elle écrit des textes. Elle m'a tout de suite sidéré en me demandant si j'avais lu Honoré de Balzac. Le lendemain, c'est elle qui m'a rappelé. Je n'en croyais pas mes oreilles. Cette fille vit sa vie à l'extrême. Elle croit au talent, pas à l'image. Elle est d'une très grande intégrité. Elle déborde d'énergie. C'est fou ce que cette fille peut être " so busy ". Je ne connais personne d'autre qui lise autant de livres. De la littérature à la philosophie, en passant par l'histoire. Elle lit tout. Elle n'est pas parfaite, non, loin de là, mais sa force, c'est de savoir reconnaître qu'elle commet des erreurs. Elle a la rage de vivre, d'être heureuse. Elle veut tout. " Et nous on adore ça.

Milla éclate de rire. De vie.

 

Comment avez-vous vécu le festival de Cannes?

C'était un moment sublime ! Je me moque des critiques. Ce qui me fait plaisir c'est le succès du film auprès des jeunes. Nous avons réussi à donner le sourire aux gens. Et ça c'est merveilleux. J'aime voir les gamins dans la rue m'appeler Leeloo en hurlant (ndlr. prononcez Lilou). J'adore les regarder à la sortie du film, leurs yeux sont brillants. Nous leur avons donné du bonheur. Et ça, c'est magique ! Ça n'a pas de prix.

Et vous, avez-vous vraiment aimé le film ?

La première fois que j'ai vu le film je ne l'ai pas aimé. Je l'ai vu une deuxième fois, et je l'ai apprécié. Plus je le vois, plus je l'aime. Son message est positif ! Il est honnête, vrai. Qu'il soit numéro un au box-office américain en un week-end c'est incroyable. Fabuleux.

Etait-ce facile de travailler avec Luc Besson?

Luc Besson est une personne à qui il est difficile de plaire. Il est très exigeant. Pendant le tournage, il dormait dans le studio. C'était la première personne levée. A cinq heures du matin, il réécrivait une partie du scénario. Avec Bruce Willis, nous arrivions à six heures et nous découvrions... Le soir, il partait toujours le dernier.

Toutes les rumeurs Cannoises vous ont prêté des relations avec Luc Besson, voire avec Bruce Willis? Milla éclate de rire !

Oh, je ne suis pas au courant, racontez-moi ! J'adore les rumeurs. Elles ne sont fondées sur aucun fait. Ça me fait rire Si ça fait de la publicité... tant mieux pour le film.

Vous semblez entretenir une relation amour-haine avec le monde de l'image?

J'en vis. On gagne très bien sa vie on tant que modèle, et ça, c'est très bien. Je n'ai pas pour autant envie que l'on m'enferme dans une cage comme un lapin. C'est un très bon job pour faire de l'argent. Cela ne demande pas trop d'efforts. C'est facile. En revanche, cela vous prend beaucoup de temps. Et ça, c'est difficile car je n'ai pas le temps de faire tout ce que j'aime. C'est ce qui m'ennuie le plus.

Quels sont vos projets de cinéma maintenant?

Rien n'est signé pour l'instant. Mais je suis sur plusieurs projets. Je vais reprendre mes cours de comédienne. J'ai envie de m'investir dans le cinéma. Mais je ne veux pas pour autant faire n'importe quoi. Un film, c'est une rencontre entre un metteur en scène, des acteurs, une histoire. J'ai envie de m'impliquer totalement et de travailler avec les meilleurs. J'adorerais travailler avec Woody Allen, Spike Lee.

Et Quentin Tarantino? Milla rit...

Bien sûr, tous les meilleurs...

Et la musique?

Je ne peux pas vivre sans. Avec Chris Bruner, nous préparons un album pour le groupe "Friends of Dorothy". J'espère qu'il sera fini pour la fin de l'année.

Vous adorez lire, mais n'avez-vous pas envie d'écrire?

J'aime effectivement les livres à la folie, totalement. Je les dévore. Il m'est impossible de n'en choisir qu'un. Ecrire ? Oui, sûrement j'aimerais cela. Mais il faut avoir accumulé des expériences, des émotions. Il faut du temps. Il est trop tôt.

Que voulez-vous faire dans la vie?

Etre heureuse, je crois. Etre moi-même, être vraie. Ne pas me mentir. J'ai connu la galère, quand nous sommes arrivés aux Etats-Unis avec ma mère et que nous n'avions pas d'argent. Je ne veux plus de ça. Je veux être heureuse. Je voudrais poser un sourire permanent sur mon visage.

Quelle est la chose que vous haïssez le plus dans la vie?

Les déceptions. Les gens que la vie met sur la défensive. Après, ils deviennent aigris et violents.

Quelle est la première chose que vous faites le matin?

J'allume une cigarette!

Qu'aimeriez-vous dire le jour de votre mort ?

Fuck you !