Elle (France) January 2003

Milla Jovovich Trouve Son Style

Le temps d’une escapade sur l’île de Pantelleria, au large de la Sicile, l’actrice fétiche de Luc Besson retrouve son premier métier: mannequin. Séduit par son allure et son énergie, Giorgio Armani lui a proposé d’incarner l’image de sa ligne Emporio. Incorrigible fashionista, Milla Jovovich s’est prêtée au jeu avec maestria.

Par Stéphanie Chayet, Photos Peter Lindbergh


Milla Jovovich descend de sa chambre de l’hôtel Mercer, à New York, et commande une omelette au fromage. Campagne publicitaire oblige, elle est vêtue d’une panoplie Armani: une chemise beige, un jean gris et rebrodé, une capuche en cuir noir dénichée dans la collection pour l’homme. “C’est ce que porterait le Petit Chaperon rouge s’il faisait de la moto,” dit-elle en riant, d’une voix un peu cassée. “On trouve plein de choses épatantes chez Monsieur Armani.” Phtographiée par Peter Lindbergh sur l’île volcanique de Pantelleria, au large de la Sicile, cette beauté slave, androgyne et anguleuse a pris des poses d’actrice italienne pour la nouvelle campagne d’Emporio Armani, dont elle sera l’égérie pendant au moins deux saisons. A cette occasion, elle a redécouvert le couturier milanais, qu’elle jugeait “classique, conservateur, réservé aux milliardaires”. “Je me trompais,” dit-elle en allumant une cigarette. “En fait, il a mille cordes à son arc. C’est un homme qui n’a pas peur de prendre des risques. Je n’ai eu aucun mal à l’intégrer à mon vestiaire.”

Milla et la mode, c’est une longue histoire, parfois tourmentée. Au commencement était la mère. “Une classe folle. Toutes mes amies étaient jalouses de ses vêtements. Moi, j’adorais la regarder s’habiller.” Dans l’Union soviétique des années 70, Galina Loginova, épouse Jovovich, est une actrice réputée. Mais quand la famille traverse clandestinement le Rideau de fer pour aller s’installer en Californie, en 1981, elle est contrainte de renoncer à sa carrière. Fille unique, Milla sera chargée d’assouvir ses ambitions. “Je suis devenue sa créature, son grand projet,”, explique-t-elle. “Elle avait une idée très précise de ce qu’elle voulait faire de moi.” Premiers cours de comédie à 9 ans, première couverture de magazine à 11 ans, devant l’objectif de Richard Avedon: pendant toutes ces années, Milla est façonnée par cette mère Pygmalion, qui lui apprend à prendre la pose et l’habille chez Gaultier Junior.

Résultat? Lorsqu’elle quitte le domicile familial, à seize ans, Milla fait n’importe quoi. “Comme ma mère avait toujours choisi mes vêtements, je n’avais absolument aucun style, aucune idée de ce qui m’allait,” se souvient-elle. “Je me suis habillée d’une manière désastreuse pendant des années.” A l’époque, elle affiche une prédilection pour les blazers en soie brillante, entre autres “vêtements pour femmes mûres, ridicules à mon âge”. Elle porte du rouge, de l’or, des épaulettes. C’est sa “période Ivana Trump”. Il lui faudra du temps-“longtemps”-pour définir son propre style. “Le truc, c’est de trouver sa propre silhouette,” dit-elle. “C’est le point de départ. Une fois que l’on a les contours en tête, c’est beaucoup plus facile de repérer les vêtements qui vous iront.” Dans son cas: “Jamais trop de tissu au niveau de la taille, c’est ma règle d’or.”

Fashionista appliquée, Milla Jovovich est désormais parmi les premières de la classe. Elle le sait: dans une interview accordée à ELLE Etats-Unis, elle s’est récemment vantée de n’avoir “pas besoin de styliste, contrairement à la plupart des actrices hollywoodiennes”. Abonnée aux “best-dressed lists”, ces palmarès d’élégance dont raffole la presse américanine, elle affiche une garde-robe inépuisable où la fripe et le prêt-à-porter de luxe coexistent dans les règles de l’art. “J’aime ajouter ma touche personnelle, porter les vêtements de Monsieur Armani avec une vieille paire de bottines Chanel à bout pointu et des chaussettes rose vif”, dit-elle. Muse de Miuccia Prada, qui lui fait liverer ses créations par cartons entiers, elle sait aussi cultiver une image underground en posant en couverture du magazine “Dazed & Confused” avec des poils sous les bras. Son placard, “un bric-à-brac” de trouvailles, de vêtements cousus main, de jeans trouvés à Tokyo et de robes griffées, tient du vestiaire idéal. Elle ne laisse rien au hasard: quand Madness, son miniscule bichon maltais, apparaît en trottinant dans le hall de l’hôtel, c’est dans un manteau à petites fleurs acheté au Japon.

Parfois, c’est le trop-plein. “J’ai tellement de vêtements qu’il m’arrive de me sentir débordée. Il y a des périodes où je deviens allergique à la mode. J’evite mon placard et je vis dans le même jogging pendant des jours et des jours.” Et puis la confiance, l’inspiration, le désir reviennent. “Dans ces moments-là, j’ai l’impression que le monde m’appartient et que je peux tout porter: Armani, Donna Karan, Prada, Chloé, Balenciaga!” Alléluia.